Bulletin Numéro 48

 


 

Du Pendjab à la Touraine

 

Le 8 novembre 2010 un tribunal local (tellement que la presse ne cite pas son nom   je crois qu’il s’agit de celui de Nankana Sahib) du Pendjab a condamné à mort pour blasphème Asia Bibi, en fait une chrétienne à qui des voisines musulmanes ont reproché d’avoir bu dans un de leurs verres (ne riez pas, les vaisselles halal et kasher ne peuvent avoir été touchées par des mains impies).

Ce n’est pas la première fois qu’une telle condamnation a lieu au Pakistan depuis l’instauration de la loi en 1986.  Celle-ci a été prise dans une perspective d’affirmation dominatrice et intolérante de l’islam, principalement contre un groupe musulman détesté et persécuté, les ahmadis – un groupe fondé au XIXème siècle au Pendjab qui se base sur l’idée que Mahomet n’est pas le dernier prophète.
Depuis 1986, 1.061 inculpations ont été prononcées pour blasphème au Pakistan ; 456 d’entre elles visent des ahmadis, 452 des musulmans, 21 des hindous et 132 des chrétiens (1).
Nul besoin de dire notre colère ni d’argumenter pour la liberté à des convaincus.
La particularité de l’affaire ce sont les débats et hélas ! les actions politiques qu’elle suscite sur place et le renvoi clair de la problématique de la plupart des pays musulmans qui est ainsi fait aux occidentaux.

Nul doute d’abord que la situation soit régressive.
On me fera difficilement croire qu’en 1986 régnait une atmosphère de pluralisme serein mais la loi manifestement crée une régression.
Elle n’est pas l’œuvre d’un fanatique isolé.
L’adhésion à la loi réprimant le blasphème n’est peut être pas vraiment généralisée mais le défilé de milliers de gens à Lahore pour le maintien de la loi (2) en dit long.
Le comble est atteint par l’assassinat du gouverneur du Pendjab qui, très isolé, avait pris le parti d’Asia Bibi, l’avait rencontrée et avait réclamé l’abrogation de la loi.
Salman Taseer a été assassiné le 4 janvier par un de ses gardes du corps, c’est dire son isolement.
Il mérite d’autant plus notre estime et il prouve à lui seul que la liberté n’a pas dit son dernier mot même dans un pays où elle semble des plus incongrues.  Il était propriétaire d’un journal professant des idées laïques et libérales (3).
Une ancienne ministre de l’information, Sherry Rehman, avait soutenu Salman Taseer (4).

Le Ministre de la Justice du Pendjab, Rana Sana Ullah Khan, assez odieusement, prête au gouverneur une motivation tactique électoraliste : s’attirer les voix des minorités religieuses (1). Elles ne représentent que 3 % de la population (5) piètre réservoir de voix pour un gouverneur …
Tout cela n’était que partie remise : le 2 mars, c’était au tour du Ministre des minorités religieuses, Shahbaz Bhatti, un chrétien, d’être abattu dans sa voiture par un commando de quatre hommes armés appartenant au Mouvement des talibans pakistanais (TTP) (6).

Face au regain musulman


Le tout nous renvoie à l’ambiance de la plupart des pays musulmans où toute évolution vers plus de démocratie est bloquée (même si la Tunisie semble faire heureusement exception et peut-être l’Egypte mais j’en suis encore moins sûr, le cas libyen et plus encore le syrien me semblant opaques) et où une marche arrière violente fait fond sur l’intégrisme religieux.

Les cas tunisien et égyptien nous interrogent de la même manière. Certains spécialistes de l’islam comme François Burgat (7) – approuvé par Guy Spitaels – plaident pour que l’Occident cesse son appui à tout qui lutte contre les islamistes (appui à éclipses si l’on songe à l’Irak), mette un terme à la politique du cordon sanitaire et laisse les islamistes participer au pouvoir. Mais s’ils l’obtiennent, qu’en feront-ils et le rendront-ils un jour de bonne grâce ?
N’est-ce pas croire au Père Noël ?  Mais la politique de rejet à un coût et implique un déni de la démocratie – encore qu’il soit plus clair que jamais que la démocratie ne puisse se résumer à des scrutins libres indépendamment de tout contexte – comme le montrent les élections en Afrique ou ailleurs qui ne sont que des recensements religieux ou tribaux (il est vrai qu’en Belgique …).

Et Benoît XVI vient …


Il fallait évidemment que le Pape se distingue. Voilà que Benoît XVI profite d’Asia Bibi pour demander l’abrogation de la loi sur le blasphème au Pakistan (8).
Bien évidemment, le Pape veut protéger les chrétiens des pays musulmans. C’est compréhensible au vu de l’oppression grandissante qu’ils subissent au Pakistan, en Egypte et ailleurs mais c’est fort opportuniste : dans les pays où l’Eglise était ou se croit encore dominante la chanson n’est pas la même.
Ainsi quand un sculpteur réalise sur les bords de la Loire une sculpture de grandes dimensions (17 m de haut et 40 m de long) représentant une femme nue, l’Archevêque de Tours, Mgr Aubertin, exprime des « réserves » sur le projet parce qu’il sera visible de l’abbaye de Marmoutier (9). En exprime-t-il sur les croix et autres statues chrétiennes de grande taille qui parent ou déparent le paysage français ?

La situation semblait désespérée mais Asia Bibi et sa famille tiennent bon.
C’est un peu surprenant pour quelqu’un d’aussi modeste qui ne sait même pas lire (et son mari à peine).
Ses principaux appuis pakistanais sont morts (il en reste encore un) et la situation politique est défavorable. Le parti au pouvoir, le PPP de la dynastie Bhutto, est le moins religieux des grands partis du pays et il n’a pu suivre ses deux leaders assassinés.
Le libéralisme politique au Pakistan se cantonne aujourd’hui à des cercles étroits.  L’envoyé spécial du Monde, Frédéric Bobin (10), les a trouvés : le café T2F à Karachi avec Zaheer Kidvai, Mawi Sidmed à Islamabad, quelques personnes à Lahore. Depuis la mi-décembre, ils ont créé un petit mouvement Citizens For Democracy (CFD).
Une goutte d’eau dans la mer.
Ce que la capture/exécution de Ben Laden a mis à jour sur la politique réelle de l’armée et l’aide aux talibans est tout aussi éloquent.

Mais Asia Bibi publie en mai un livre-document, sorte de long interview réalisée avec une française, Anne-Isabelle Tollet (11). J’en déduis qu’on a laissé faire une assez longue rencontre.
L’ouvrage ne contient ni fait nouveau ni argumentation politico-philosophique serrée : ce n’est pas l’affaire d’une femme simple campée – avec vraisemblance – comme une femme digne, très modérée mais pas au point d’abjurer, bonne chrétienne, bonne épouse, bonne mère.
Au-delà de cela, ce qu’on voit à l’œuvre dans le livre, c’est un pays livré à des foules ignorantes, aveugles, méchantes et intolérantes (ce qui est conforté par l’article de Frédéric Bobin). Mais sa conclusion m’importe : « Maintenant que vous me connaissez, racontez ce qui m’est arrivé autour de vous. Faites-le savoir. Je crois que c’est ma seule chance de ne pas mourir au fond de ce cachot. J’ai besoin de vous ».
Ne faisons pas moins qu’elle.

J’allais oublier : la statue géante de femme nue sera érigée sur un autre terrain que celui prévu.  On pourra la voir de l’autoroute A10 mais plus de l’abbaye (13).

(1)    Le Figaro, 20 janvier 2011. Articles et interviews de Marie-France Calle
(2)    On peut en voir une photo dans le Monde Magazine du 1er janvier 2011
(3)    Frédéric Bobin dans Le Monde du 8 janvier 2011
(4)    Frédéric Bobin dans Le Monde du 6 janvier 2011
(5)    Célia Mercier dans Le Soir du 23 décembre 2010
(6)    Cf. la presse du 3 mars, spécialement Le Figaro
(7)    Le Soir du 17 janvier 2011
(8)    Le Monde – citant AFP –du 12 janvier 2011
(9)    Le Monde – citant AFP – des 1er-2-3 janvier 2011
(10)  Pakistan.  La faible voix des modérés, Le Monde du 8 mars 2011
(11)  Asia Bibi (avec Anne-Isabelle Tollet), Blasphème. Oh !., Editions,     2011, 185 pp. Prix : environ 19,40 euros
(12)  Cf. les propos recueilis par Celia Mercier, Libération du 16 juin 2011
(13)  Le Monde du 24 février 2011

 


 

Serrano à Avignon : une affaire paradoxale

Le 17 avril dernier, quelques jeunes hommes ont détruit deux œuvres de l’artiste américain Andres Serrano qui étaient exposées dans les locaux d’une fondation d’art contemporain basée à Avignon, la Collection Lambert. L’objet du scandale était une photographie : Immersion : Piss Christ.

L’exposition, intitulée « Je crois aux miracles » avait été ouverte le 12 décembre 2010.
L’œuvre photographique représente un crucifix en plastique immergé dans un verre rempli de sang et d’urine.
Dès sa première présentation en 1989 à Salem (!), elle est l’occasion d’une polémique suscitée par deux sénateurs républicains qui s’indignent de d’octroi de fonds publics à une manifestation qui accueille « un pauvre type, blasphémateur, pornographe … ».  Ce sera l’occasion de soumettre les crédits culturels américains à des restrictions dites morales (1).
En 1997, l’œuvre est vandalisée à la National Gallery de Victoria en  Australie.
L’Eglise catholique demande la fermeture définitive de l’exposition, ce que lui refuse la Cour Suprême.

Ce type d’affaire n’est pas neuf (2).
Les manifestations contemporaines de l’art sont une cible redevenue fréquente de l’aile la plus conservatrice du christianisme et de l’extrême droite politique.

Blasphémateur ?


Deux cas de figure au moins sont possibles : l’œuvre ou la manifestation constitue une critique à l’égard de la religion, ce qui suscite une opposition des milieux visés.
Ce qui est anormal est la volonté d’interdire ce qui a les préférences d’autres citoyens ou groupes mais le déplaisir de certains est concevable.
On n’est ici absolument pas dans ces cas de figure mais dans l’inverse : un artiste d’inspiration religieuse donne à son œuvre des formes en rupture avec les représentations traditionnelles de la foi qui ne conviennent plus aux modes d’expression contemporains.

En effet, Andres Serrano se désigne comme artiste chrétien et précise « Je n’ai rien d’un blasphémateur, et je n’ai aucune sympathie pour le blasphème ». Comme le relève le critique Philippe Dagen, l’œuvre d’Andres Serrano est souvent d’inspiration chrétienne manifeste.
Dans le cas précis, l’artiste a voulu « rappeler à tout le monde par quelle horreur le christ est passé »(3).
C’est une manière brutale de rappeler le sens de l’incarnation, continue le critique.
Comprendre la logique de l’art contemporain est nécessaire et pas si difficile. On peut même trouver l’explication chez un professeur de théologie au Collège des Bernardins à Paris, Jérôme Alexandre (4). Celui-ci énonce le principe même de l’art contemporain.
Celui-ci est constamment à la recherche de sa nature authentique et pour l’éprouver, il travaille à ses limites et donc à la transgression de celles-ci.

Et le théologien est plus dur encore pour les chrétiens intégristes. Quand on l’interroge sur le lien entre les chrétiens et les crispations du monde musulman, il déclare le craindre mais ajoute qu’il y a dans ce domaine une différence fondamentale entre musulmans qui ont une tradition de refus de l’image (seule la tradition iranienne fait exception) alors que les chrétiens ont « une tradition qui a porté très haut la liberté créatrice, comme aucune autre civilisation ne l’a fait »(5).
Je dirais que le problème de la liberté créatrice dans le monde occidental est sensiblement plus complexe mais il est clair que les grands artistes du moyen-âge chrétien ont souvent pris des libertés avec leurs devanciers même si à cette époque et encore un peu après, l’art a surtout pour fonction de célébrer la religion dominante.

Jérôme Alexandre va plus loin.
S’agissant des fidèles de base ou agressivement conservateurs, des œuvres comme celles de Serrano ne leur servent que de « prétexte à l’expression de leur refus d’un art contemporain auquel ils ne comprennent rien ».
Quant à la hiérarchie, « elle n’est pas mieux avisée. Elle est passée complètement à côté de l’aventure formidable de l’art contemporain ».

Et l’affaire est devenue d’autant plus épineuse que depuis deux ou trois décennies, quelques artistes (Rheims, Ofili) ont tenté de réinterpréter les images du christianisme (6).
Il faut dire que l’art moderne s’était très largement construit sans ou à l’écart de la religion (mais rarement contre de manière explicite).

A Avignon, la responsabilité de l’archevêque est considérable.
Il a organisé un mouvement de protestation pour que l’œuvre soit retirée (alors qu’au fond la position conservatrice classique est d’inviter les croyants à ne pas assister à la manifestation contestée).
Ce sont ensuite les associations intégristes classiques – mais dont l’existence n’a pas vingt-cinq ans - qui ont pris le relais (Institut Civitas, Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l’identité chrétienne, Catholiques en campagne, Fraternité sacerdotale Saint-Pie X et l’Observatoire de la christianophobie - certains ont compris que le wagon de la dénonciation de l’islamophobie était le bon) et organisé la veille de la destruction une manifestation d’environ 1.000 personnes où l’on reconnaissait des responsables et mandataires FN (1).

Tout cela en dit long sur la formation du clergé et même du haut clergé. Le temps paraît loin où ce dernier se recrutait parmi des intellectuels de haut niveau.

Les beaux jours à venir


Tout ceci me mène à deux conclusions. La première porte sur le caractère aléatoire et aberrant de l’accusation de blasphème : elle n’hésite pas à s’en prendre à ceux qu’elle devrait soutenir, par incompétence et bêtise. On se moque des pauvres foules pakistanaises mais on n’en est pas loin.

Par un côté, ceci me conforte dans mes positions mais un autre élément peut inquiéter. Certes quand le mal est fait, c’est-à-dire quand l’ignorance s’est installée, il est tard pour améliorer les choses.
Autrefois, dans la société et l’ambiance dites « modernes », l’ignorance était un défaut dont nul ne se prévalait. Il fallait apprendre au plus vite ce qu’on ignorait jusque là.
Dans la société et l’ambiance « postmodernes », l’ignorance s’est faite arrogante et la faute incombe à celui qui en sait plus, qui manifeste et utilise son savoir.

Peut-être y a-t-il là une des sources de la remontée récente des poursuites pour blasphème, mais alors celle-ci a de beaux jours devant elle.

(1)    cf. Philippe Dagen, Le Monde du 19 avril 2011
(2)    cf. Michaël Amy, Provocation et intolérance : l’art britannique et la politique américaine vers 1999, Blasphèmes et Libertés, n° 3 (2001), pp. 16-43
(3)    cf. Philippe Dagen, Andres Serrano provocateur malgré lui, Le Monde du 22 avril 2011, reprenant une déclaration de l’artiste à Libération
(4)    Le Monde du 22 avril, interview reprise dans Le Monde, Dossiers & Documents  n° 410, juillet-août 2011
(5)    J’ai abordé la question de la représentation figurée dans les religions liées à l’Ancien Testament dans Art, image et religion, Vivre, n° 11 (décembre 2003)
(6)    Philippe Dagen, La guerre entre l’art et l’Eglise est-elle rouverte ?, Le Monde du 22 avril 2011

 


Taslima Nasreen et Caroline Fourest sur la liberté d’expression

Consacrer douze pages à un débat sur les limites de la liberté d’expression n’est pas si fréquent.
C’est pourtant ce qu’ont fait Talisma Nasreen et Caroline Fourest dans leur livre-dialogue, certes de trois cents pages, au titre bien agréable, Libres de le dire (1).

Les deux femmes ne s’entendent pas sur ce point.
Taslima Nasreen est « pour la liberté d’expression sans limite » (p. 143). Caroline Fourest estime pour sa part qu’il y en a une, l’incitation à la haine.

J’ai dit par ailleurs (2) à quel point son argumentation me semblait faible. Pour elle, curieusement, l’incitation à la haine est une expression synonyme d’incitation au meurtre.
Or les lois européennes réprimant l’incitation à la haine sont relativement récentes (2007 en Belgique, en tout cas pour une définition claire et complète) alors que l’incitation au meurtre est depuis bien longtemps punissable.

C. Fourest paraît par ailleurs vouloir se distinguer de la vision américaine de la liberté d’expression.
Le premier amendement à la Constitution américaine ne permet pas la limitation à la liberté d’expression et les Américains se moquent bien de la Déclaration de l’ONU qui serait obligatoire pour intégrer aux lois nationales la répression de l’incitation à la haine.
La seule limite aux USA, et qui est manifestement fondée, est l’incitation directe, immédiate et personnalisée et remplit l’objectif déclaré de C. Fourest !

La condamnation de toute haine est devenue comme un dogme européen (il y a eu là-dessus une campagne d’affichage en Belgique, dans la même veine candide que celle qui incitait à « refuser les extrêmes »).

Je ne vois pas comment interpréter autrement la position de C. Fourest que comme une adhésion aveugle à un dogme, d’autant plus fort qu’il est nouveau.

Sur les lois condamnant le négationnisme, sa position est aussi significative qu’alambiquée.

Remarquons qu’elle ne parle jamais du révisionnisme et logiquement on devrait déduire de sa position qu’elle s’oppose à sa condamnation pénale.
Elle considère que la condamnation du négationnisme est « une peine symbolique, signifiant qu’une ligne a été franchie » (p. 145). D’après elle, on ne va pas en prison pour cela, on paie juste une amende.
Le raisonnement est en soi étonnant puisque contradictoire : c’est si grave qu’il faut une condamnation mais c’est si peu grave qu’une simple amende suffit.

De plus, sur ce point, elle est mal renseignée : des gens vont en prison effectivement au nom de ces lois dans différents pays d’Europe.

Taslima Nasreen l’interpelle sur l’interdiction des signes nazis (elle semble la trouver anormale).

Caroline Fourest lui répond qu’en posséder chez soit devrait être légal (je ne suis pas sûr que ce soit exact en France) mais pas les afficher dans l’espace public car ce serait une incitation à la haine.
Et la Française d’enchaîner qu’au fond la loi réprimant le négationnisme n’a plus guère de raison d’être (elle fait des « martyrs »), qu’on devrait pouvoir dire que la Shoah n’a jamais existé … tant que ce n’est pas une incitation à la haine.

On voit là les ravages de ce concept, qui est aujourd’hui la vraie torpille dirigée contre la liberté d’expression. Les raisons données par C. Fourest pour justifier un peu la valeur symbolique de la loi sont si légères qu’elle doit abandonner sa position mais tout de suite elle se rend compte qu’elle a abandonné son dogme qui la force à tenir pour nulle sa tentation d’en revenir à la liberté d’expression.

Dans un autre chapitre – et quasi systématiquement dans tout le livre – T. Nasreen refuse la distinction entre religion et intégrisme et veut qu’on annonce partout « la religion tue » (p. 43). A aucun moment, C. Fourest ne songe à lui dire que c’est de l’incitation à la haine en raison de la religion …

Cette expression « incitation à la haine en raison de la religion » lui semble une formule magique, celle qui convient à tous les antiracistes (p. 143).

Elle ne voit toujours pas que lutter contre les faits racistes est légitime mais qu’au-delà on broie la liberté d’expression.

Je suis donc forcé à lui rappeler mon argument décisif : toutes ces lois (révisionnisme, incitation à la haine) sont pain bénit pour les ennemis de la liberté.

Après plusieurs de ses collègues, le ministre iranien des affaires étrangères s’est  moqué en 2010, avec cynisme et humour, du mauvais état où ces lois mettent la liberté d’expression en Europe (3
Comprenez que les restrictions sont partout et que chacun doit avoir les siennes…
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(1) Taslima Nasreen, Caroline Fourest, Libres de le dire. Conversations mécréantes, Paris, Flammarion, 2010, 307 pages, +/ 19,90 euros. Le chapitre Liberté d’expression : quelles limites ? occupe les pages 141 à 153
(2) Religion et intégrisme, Espace de libertés n° 389, septembre 2010, p. 27
(3) Le Soir du 3 juin 2010