Lois mémorielles : le boomerang finit toujours par revenir...

La nouvelle loi polonaise sur la Shoah, dûment promulguée le 6 février 2018 par le Président de la République Andrzej Duda, suscite dans le monde occidental une indignation qui peut sembler justifiée mais qui me semble une merveille de mémoire courte, de limite intellectuelle ou d’hypocrisie cynique.

La loi prévoit notamment une peine de trois ans de prison pour toute personne coupable  « d’attribuer à la République de Pologne et à la Nation polonaise, publiquement et contrairement à la réalité des faits [ sic, voyez plus loin ce que sont les « faits »], la responsabilité ou la coresponsabilité des crimes nazis perpétrés par le IIIe Reich allemand... de crimes de guerre ou d’autres crimes contre la paix et l’humanité ».

Certes, parler de « camps de concentration polonais » comme le président Obama a dû s’en excuser par le passé, peut exaspérer mais la simple lecture du texte montre que la raison invoquée pour faire voter pareil texte n’est qu’un prétexte et que la loi vise beaucoup plus loin : interdire par exemple de parler des massacres commis par les Polonais à l’encontre de juifs, comme à Jedwabne en 1941 et à Kielce en 1945.

Notre presse est pleine des propos de défense des historiens et de leur indépendance scientifique- même si la loi exclut de viser les publications scientifiques. Historiens, journalistes, politiques, autorités américaines et israéliennes, tout le monde veut défendre l’histoire.

Tant mieux mais où étaient ces personnes, ou du moins la plupart d’entre elles - seuls quelques historiens font exception - quand il s’est agi de ne pas voter les lois mémorielles du type français ou belge ? Je ne les ai pas vues. Évidemment il s‘agissait chez nous  de bonnes lois, qui luttaient contre l’erreur et que le monde entier ne manquerait pas de copier...

L’arrogance ou l’inconscience a empêché de voir qu’une fois votée la première loi liberticide, toutes sortes de responsables un peu malins ont, non sans raison, compris qu’ils pourraient eux aussi faire voter une loi mémorielle, en lui donnant d’autres objectifs de protection  que les législations pionnières, si imprudemment concoctées. On observe le même phénomène avec les lois interdisant l’incitation à la haine : tout dictateur qui se respecte dispose aujourd’hui d’un texte l’interdisant. On a juste changé le complément du nom.

L’exemple français aurait dû inciter à la méfiance quant au sérieux de ces lois et à la solidité des « faits »: dans sa première version votée, modifiée seulement après de longues années, la loi française condamnait tout qui nierait les conclusions du tribunal de Nuremberg. Or celui-ci imputait aux Nazis le massacre des officiers polonais à Katyn, « oeuvre », il a bien fallu finir par le reconnaître, des soviétiques.

Je vois un élément positif dans la loi polonaise. Certes nul ne peut dire qui remportera les prochaines élections mais, à terme, le PiS, finira bien par perdre et on abolira la loi, avatar d’un genre  particulier de loi  qu’on ne peut abandonner, paraît-il,  pour ne pas donner une impression de victoire à certains. Cela ne pourrait-il pas donner de bonnes idées en Belgique pour faire abolir la loi absurde que le Parlement a votée ? Ne rêvons pas trop. Les réactions actuelles et les silences montrent que bien rares sont encore ceux qui ont compris.

 

Patrice Dartevelle