Charlie Hebdo le test de vérité

Hors des milieux musulmans, pratiquement tout le monde en Europe de l'Ouest a dénoncé l'attentat contre Charlie Hebdo.

Chacun était sincère sur un point : assassiner des  caricaturistes est choquant et insupportable. Au delà de ce point, j'ai bien des doutes. J'éprouve même le sentiment qu'une majorité des Européens pense qu'on ne devrait pas permettre d'exister à un journal comme Charlie Hebdo.

 

Que la presse américaine - sauf le Washington Post - ait refusé de publier la couverture du premier numéro du magazine sorti après le carnage est significatif et les réticences (c'est un euphémisme) de l'opinion et des intellectuels américains à choquer si peu que ce soit la religion d'un autre ne datent pas d'aujourd'hui. Au moins aux Etats-Unis certains ont-ils le courage de l'avouer (1).

Dans cette dramatique affaire une intéressante nouvelle nous vient d'Iran : la République islamique organise un concours de caricatures sur l'Holocauste (2). Le premier prix sera de 12.000 dollars et les meilleurs ( je laisse au Soir ses guillemets) dessins seront exposés.

Voilà qui nous change des kalachnikovs ou des fatwas (celle contre  Salman Rushdie est toujours en vigueur). C'est évidemment une bonne réponse de la part de qui n'aime pas Charlie Hebdo!

En stricte logique, ceux qui en Europe de l'Ouest défendent la liberté d'expression et le droit au blasphème ne devraient-ils pas se réjouir et publier ces caricatures, ne serait-ce que pour montrer aux Iraniens que, contrairement à ces derniers, ils sont,eux, de vrais défenseurs du droit au blasphème?

Mais non, pas d'illusion, rire de l'Holocauste serait blasphémer et laisser croire qu'on peut rire de tout.

Je ne crois vraiment pas que des caricatures sur l'Holocauste pourraient m'arracher le moindre rire, seulement un rictus désespéré. Mais il en va de même pour un milliard de musulmans face aux caricatures de Mahomet.

Est-on si sûr que les millions de manifestants à Paris et en France voulaient le droit de blasphémer pour tout le monde ou seulement le droit de proférer "leurs" blasphèmes et pas ceux des autres?

Patrice Dartevelle

(1) David Brooks, I am not Charlie Hebdo, International New-York Times, 10-11 janvier 2015, qui n'est néanmoins pas favorable à l'interdiction de Charlie Hebdo mais distingue la table des "grands"- celle des lecteurs du Monde(sic)- et celle des "enfants" -celle des lecteurs de Charlie Hebdo qu'il n'y a pas lieu d'écouter dans leurs piailleries.

(2) Le Soir du 4 février 2015.