Bulletin 65 décembre 2019 - Hospitalité et libre pensée
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Bulletin 65 décembre 2019 |
Esprit critique : on refait le chemin à l’envers |
Hospitalité et libre pensée |
Fin du délit de blasphème en Grèce |
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Marc Scheerens
Plusieurs fois dans cet opuscule, il a été question du sentimentalisme ou même de ‘l’émocratie’, qui agissent comme un étouffoir. Il ne serait plus permis de tout dire car tout dire peut-être blessant.
Dans le système scolaire, l’Histoire a perdu sa fonction d’analyse des faits et des comportements qui ont pourtant conduit l’humanité là où elle en est aujourd’hui. Prévu pour demain, le musée de l’Histoire flamande pourrait-il montrer clairement que la batailles des ‘éperons d’or’ a été gagnée par les troupes du Comte de Namur ? Ce serait contraire à l’idéologie du moment.
La vérité scientifique affirmée, dans les sciences appliquées, est le résultat d’expériences qui renforcent les connaissances de telle ou telle matière. Mais qu’en est-il dans d’autres domaines, comme les sciences humaines, la philosophie, la religion, là précisément où d’autres facteurs interviennent ? De plus, l’humanisme tel que le conçoit la Charte des Droits de l’Homme (1948) n’est-il pas uniquement le fruit de la pensée et de l’histoire occidentale ?
Avoir un esprit critique (du grec krinein : séparer, analyser, trancher…) ne signifie pas de procéder à une démolition mais bien de faire le tri entre ce qui est constructif et ce qui ne l’est pas, entre ce qu’il est raisonnable de croire ou ce qui serait un non-sens. La liberté de penser, d’analyser le réel, le vécu, le ressenti, est indispensable à la construction d’une société juste et équitable. Comment travailler ensemble à la relecture de tout vécu pour définir le plus largement un idéal commun et une pratique qui élargisse la base d’un bonheur universel durable ? Et cela quand nous découvrons dans les faits tant de replis identitaires qui s’appuient sur l’exacerbation de sentiments nationalistes voire primaires ? Serons-nous capables de payer le prix pour devenir des êtres raisonnables et tolérants, ouverts au dialogue, ne sacrifiant pas le vrai au dogme ou à l’’idéologie? Ce qui est publié dans cette revue veut y contribuer.
« Prendre appui et comprendre » pourrait définir la tâche de celui ou celle qui, touché par une foi, veut s’impliquer dans l’ensemble du processus de l’amélioration des rapports humains. Il ne pourra se replier sur l’irrationnel de sa tradition mais devra aller vers le logos, vers le ratio. Même si l’acte de croire (ou de ne pas croire), relève d’une volonté, suite à une expérience personnelle, il est un choix, un acte individuel. Dès lors, ce choix ne peut pas être celui de tous et ne doit pas s’imposer comme une unique vérité. En demandant l’hospitalité aux libres penseurs, le croyant non-dogmatique tentera d’ouvrir l’espace du dialogue, de la contradiction, en vue de l’édification d’un mieux vivre ensemble dont bénéficierait le plus grand nombre.
Le croyant chrétien doit relire sans cesse le pourquoi et le comment des actes posés au nom de sa croyance. Par le logos ou le ratio, il peut même cesser d’être croyant pour devenir crédible par son comportement. Il ne peut le faire seul en se privant de l’apport de tant d’autres semblables qui cherchent aussi l’authenticité. Le christianisme (et les autres religions) s’appuie sur des mythes fondateurs qui cherchent à rendre compte de la totalité du réel. Il a besoin de l’athéisme pour comprendre ce réel et ne pas restreindre sa quête au seul désir de ‘se sauver au ciel’.