Bulletin Numéro 49 - L’attentat contre Charlie Hebdo
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L’attentat contre Charlie Hebdo quelques idées claires
L’attentat de la nuit du 1er au 2 novembre 2011 contre le siège de Charlie Hebdo a eu malgré tout plusieurs effets positifs, l’un certain – un triomphe au niveau des ventes : 75.000 exemplaires vendus en un jour et un retirage (ont j’ai dû me contenter) – et l’autre plus ambigu – les soutiens déterminés de tout le monde à Charlie-Hebdo, à la liberté d’expression, à la liberté de la presse.
Dans son numéro daté du 2 novembre intitulé en couverture Charia Hebdo, avec Mahomet comme rédacteur en chef invité et le prophète représenté (premier problème) en couverture, hilare et promettant "100 coups de fouet si vous n’êtes pas mort de rire", Charlie Hebdo avait fait ce qu’il fallait pour titiller les musulmans et faire passer à l’action leur frange islamiste.
Il n’y a pas eu de victime humaine mais de simples conséquences financières peuvent être suffisantes pour mettre définitivement à mal un organe de presse. Il faut aussi voir que comme toujours dans des attentats dirigés contre des lieux en principe inoccupés, un risque existe toujours que la réalité de l’instant ne soit pas celle prévue : songeons au Rainbow Warrior et à l’attentat des CCC.
La question est de voir ce qu’on a vraiment voulu soutenir et de se demander si l’unité de façade est bien réelle.
Ce qui a fait l’unanimité n’est peut-être pas ce qu’on croit : c’est simplement le recours à la violence qui est unanimement rejeté. Sur ce point, il n’y a pas de doute et c’est un sentiment important et fondamental chez tous les européens, et ce, dans tous les domaines.
Au-delà, c’est moins clair même si devant une action impardonnable, peu ont mis les points sur les i.
Mais dans plusieurs déclarations audiovisuelles (forcément plus spontanées), on trouve clairement l’idée qu’il faudrait que des publications comme Charia Hebdo ne puissent se faire mais que l’interdiction devrait relever des cours et tribunaux.
Le Premier Ministre français, un catholique déterminé, n’est pas parfaitement clair.
Certes, les circonstances imposent la condamnation de la violence mais alors que le Ministre de la Culture déclare "qu’il n’y a pas de démocratie sans irrévérence, sans parodie ou sans satire", François Fillon défend certes la liberté de la presse mais précise tout de suite ce qui le choque le plus : "Aucune cause ne saurait justifier une action violente." (Le Figaro du 3 novembre).
Si, du côté des musulmans de France, on a suivi la même ligne, il ne faut pas oublier que le collectif contre l’islamophobie en France avait organisé la veille de l’attentat un colloque dans le but de "décréter l’état d’urgence face aux actes islamophobes" (cf. Stéphanie Le Bars, Le Monde du 4 novembre).
Nul doute que sans l’attentat, plainte aurait été déposée par ce collectif ou d’autres organismes musulmans contre Charlie Hebdo, ainsi que la grande Mosquée de Paris l’avait fait en 2008 quand le périodique satirique avait reproduit les caricatures danoises …
Invité de Matin Première le 3 novembre Mgr Léonard y fait une déclaration complexe.
Chose rare et positive, il relève qu’"une religion qui a une certaine hauteur doit être capable de supporter l’humour, la critique et même parfois la caricature. Si on est trop crispé, trop susceptible, c’est un signe qu’on n’a pas suffisamment confiance dans la beauté de la foi dans laquelle on vit."
C’est de loin la meilleure déclaration émanant d’un responsable religieux.
Mais il enchaîne :
"Il y a parfois de l’humour que l’on fait sur la personne qui est acceptable.
Mais quand on sent que l’intention est de choquer, de blesser, de profaner ce qui est sacré pour d’autres, il faut se poser des questions."
Mais lesquelles ?
Profaner le sacré des autres peut être une manière de compenser justement les souffrances imposées par ce sacré.
Ce peut être un des moyens logiques de forcer à une remise en cause de ce sacré et d’une vision qui porte à l’intolérance.
Ce peut être le souhait légitime de vivre dans une société où nul ne peut invoquer un sacré pour contenir la liberté d’expression sur bien d’autres sujets que la liberté d’expression religieuse.
Dans la presse américaine, on est plus caustique sur l’unanimité apparente de la réprobation.
Ainsi, Scott Sayare (dont je suis bien incapable de dire quoi que ce soit) ne manque pas de relever qu’ "En dépit de leur défense de la liberté de la presse la semaine dernière, les hommes politiques adhèrent à des limitations de la liberté d’expression en France.
Les hommes politiques utilisent régulièrement les lois sur la diffamation et la vie privée qui leur permettent de porter plainte contre des publications qui donnent d’eux une image défavorable. Ils gagnent fréquemment.
Et tandis que SOS Racisme et des groupes semblables soutiennent le droit au blasphème, ils défendent aussi des restrictions aux commentaires considérés comme racistes (racially charged) même si ces commentaires sont vrais" (International Herald Tribune du 8 novembre).
Vous avez dit ambigüité?