Birmanie : quand la démocratie restreint la liberté

Birmanie : quand la démocratie restreint la liberté

Après des décennies de dictature militaire, la Birmanie connaît une "ouverture

démocratique".

 

 

Des esprits naïfs pourraient croire que, si des problèmes subsistent, c'est parce qu'on

n'est pas encore dans une "vraie" démocratie. J'ai bien peur que ce soit l'inverse.

Longtemps les généraux birmans ont contrôlé les moines boudhistes (il y a environ 90 %

de boudhistes et 5 % de musulmans en Birmanie et on y attend avec crainte la publication

des résultats d'un recensement récent) et empêché les luttes inter-religieuses.

Depuis quelque temps il y a un peu de liberté et les difficultés commencent.

Le 17 mars 2015, les responsables (birmans et un néo-zélandais gestionnaire de

l'affaire) d'un bar de Rangoun ont été condamnés à deux ans et demi de travaux forcés

pour avoir mis en décembre 2014 sur le site du bar une image du Bouddha aux couleurs

psychédéliques (ce qui ne devrait pourtant pas gêner des orientaux) portant des écouteurs

sur les oreilles. Il s'agissait de la promotion d'une soirée dudit bar.

Les "intégristes" bouddhistes ont organisé une manifestation devant le bar. Les

responsables de celui-ci ont été emprisonnés et condamnés au nom d'une loi qui

sanctionnent ceux qui "insultent, désacralisent ou détruisent la religion" (Le Monde du 20

mars 2015), en clair une loi réprimant le blasphème.

En fait, comme souvent, les "intégristes" bouddhistes (pour une fois je parle en

politiquement correct) utilisent la religion de la grande majorité pour en faire une

caractéristique inséparable de l'idéal national et ainsi condamner comme traître à cet idéal

tout qui n'est pas de la religion du pouvoir, c'est-à-dire ici essentiellement les musulmans.

Le même processus est en cours en Inde avec l'hindouisme et en Europe dans les pays

orthodoxes où ça s'appelle de l'ethnophylétisme. Les conflits religieux en Birmanie ont

déjà fait plus de 240 morts et des centaines de milliers de musulmans y sont sans travail

et sans toit (il Manifesto du 21 mars 2015).

C'est devenu la règle générale dès qu'il y a un peu de liberté. Seuls les gouvernements -

nécessairement forts hélas- peuvent garantir la liberté de conscience et de culte face à

des groupes religieux, souvent ceux qui sont majoritaires mais parfois la mêlée est

générale.

Patrice DARTEVELLE