Bulletin 66 mai 2020 - Docteur-dogme
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Bulletin 66 mai 2020 |
La transparence : de la banalité à l’idéologie |
L’économie du salut est en grand danger ! |
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Marc Scheerens
En début de chaque année, chacun a reçu ou subit un cri du cœur : « Bonne année, bonne santé ! La santé c’est ce qu’il y a de plus important, n’est-ce pas ! ». Derrière cette ‘acte de foi’, il faudrait lire un refus de la fragilité et de la commune mortalité. Et d’autres cherchent avec convictions la possibilité d’une non-mort puisqu’ils voient dans la mort une maladie comme une autre qu’il faudrait éradiquer. ‘Vivre pour ne jamais mourir’ devient une forme de religion de non-croyants. Pas de dieu à la manœuvre, seulement une prouesse humaine, scientifique et médicale. Pas de dieu, mais un transhumanisme déraisonnable. Car, l’analyse du vivant (plantes et animaux) nous montre ce mécanisme : la vie naît de la mort ; la vie évolue et diffère et ressuscite à chaque moment.
Ce que nous vivons comme pandémie devrait réveiller les consciences et la connaissance de soi. Les progrès techniques (des pays favorisés) a donné à croire que nous étions dans le ‘Meilleur des Mondes’ dès maintenant et que rien ne pourrait enrayer le bien-être, l’aisance, l’abondance. Nous avons les moyens, nous sommes prêts à faire face à tout ! Sauf que nous avons oublié la fragilité de l’être. Sauf que nous avons tenu pour rien l’intelligence. L’intelligence n’est pas d’abord une masse de connaissances accumulées. Elle est cette faculté que tous possèdent sans exception : lire en soi-même pour s’outiller et réussir à se situer dans la sphère du vivant comme un être pensant. L’intelligence est force qui devrait permettre à chacun de ne pas subir les diktats, d’où qu’ils viennent, mais à choisir le comportement qui favoriserait le bien-être de tous par tous. N’avons-nous pas démissionné pour nous soumettre aux dogmes vilement énoncé par ceux qui savent ? Utiliser en permanence l’intelligence pour lire la résonance en soi de ce qui se vit et se fait alentour est fatiguant, exigeant, transformant. Laissons à d’autres la charge de nous dire le mieux et de garantir un confort sécuritaire qui nous mettrait à l’abri d’une mauvaise santé. Restons responsables !
L’intelligence nous permettrait de lire dans cette pandémie non pas la fin du monde mais un rappel de ce que la mort fait partie de la vie. Avec un taux de létalité inférieur à 2%, le covid19 fera moins de victimes annuelles que les famines, les inondations, les accidents de la route. Ce qui frappe c’est la virulence et la vitesse de la contamination : en quelques mois ‘tous étaient atteints mais ils n’en mourraient pas tous’. La Belgique compte 100 à 110.000 morts par an et la grippe tue chaque année 10.000 personnes dans notre pays. Nous avons plutôt bien maîtrisé la situation par rapport aux pandémies d’autrefois. Comme dans la fable, il faut chercher un coupable, celui qui, tenaillé par faim, « d’un coup de langue le pré a tondu ». Aux USA, le verdict est simple : les Chinois en sont la cause. Et les pontes ne remettent pas en question le pillage des ressources de la terre, le besoin constant de s’enrichir, le système mondialiste qui, loin de garantir un mieux-être général, nous asservit. C’est l’équilibre total du Vivant qui est atteint par le virus fatal de la consommation en démesure, qui enrichit les riches et appauvrit les ayants-moins.
Un être en bonne santé, un être bien nourri, un être bien entouré de proches et d’amis est une ‘valeur’ économique. Il sera capable de produire et d’être utile au système mis en place, ce système qui génère l’argent nécessaire ‘au pain de chaque jour’. Paradoxalement, il est impératif que les biens qu’il produit soient atteints d’une ‘obsolescence programmée’ : il faut qu’ils meurent pour être remplacés par d’autres (qu’on dit meilleurs) pour que le système continue. Là, se découvre l’utilité de la mort, de la fragilité. Tout peut ou doit ‘disparaître’ sauf le producteur. C’est pourquoi, il faut le protéger de toute atteinte mortelle. La santé est alors la valeur suprême et sa mise en danger doit être résolue par la médecine devenue salvatrice. Pourtant, ne pas être contaminé par le Covid19 n’est un but suffisant dans notre existence. Les victimes, actuelles et à venir, du réchauffement climatique et du désastre économique, seront plus nombreuses que celle de cette pandémie. Est-ce que la soumission au dogme de l’économie est justifiable, elle qui a entraîné la perte du sens commun et du rôle régulateur de la politique ? ‘Le moins d’Etat possible’ n’est pas une solution pour un mieux-être global. Le dogme, qui a fixé la régulation du déficit acceptable, n’a-t-il pas entraîné un désinvestissement massif dans l’école, la Justice, les soins de santé dans nos ‘économies’ européennes ? Quand la fragilité et la létalité refont surface, tout en nécessitant une lourde médication assistée pour les plus atteints, il apparaît que le choix n’était pas le meilleur.
Une autre forme de dogme surgit dans l’écoute de l’actualité : la valeur absolue de la parole du Chef. Dans une conférence de presse sur la situation virale, M. Trump – dont la pensée est transparente? - déclare qu’il suffirait d’aller au soleil dans un milieu humide pour se débarrasser de l’envahisseur ou bien qu’il faudrait injecter un désinfectant dans les poumons atteints pour guérir. Il a certes le droit de le dire mais quand un journaliste le questionne sur l’efficacité réelle de ce qu’il propose, il argue : « Je le pense et il ne faut pas opposer la pensée du Président des États-Unis aux journalistes diffuseurs de fake news ». Ce qui se passe aussi en Hongrie et en Pologne, sous couvert de lois donnant tout pouvoir au chef pour combattre le virus ennemi, devrait inquiéter ceux qui se soucient encore d’une éducation de tous à une politique en responsabilités partagées par le plus grand nombre. Même s’il faut protéger la santé, même s’il faut garantir à tous le moyen d’être en santé par la justice et le partage, la liberté est encore plus importante que la santé. Elle est une dimension fondamentale de l’existence humaine. Elle naît d’une intelligence éclairée et insoumise. Elle a intégré que nul ne meurt de maladie mais du fait d’être un vivant. Cette épidémie, si nous prenons le temps d’en percevoir les effets et de les comprendre, devrait nous pousser à aimer la vie…et à donner à la vie d’autres moyens pour générer un bonheur qui soit plus largement partagé.
Les tilleuls du canal du midi (patrimoine mondial) sont les seuls arbres qui entrelacent leurs racines. Par ce biais, ils protègent les berges de l’érosion par un fort maillage de radicelles. L’inconvénient de cette sociabilité forestière est que si l’un est malade (feu bactérien), tous le deviennent. De cette ‘parabole’ écologique, quelle leçon pourrions-nous tirer pour renforcer et maintenir la solidarité indispensable entre tous partenaires du Vivant ?