Bulletin Numéro 54 - L'aprés Charlie
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L’APRÈS-CHARLIE : N’APPRENDRONS-NOUS JAMAIS ?
Jean-Jacques Amy
Dans les heures et les jours qui suivirent l’attaque à main armée du siège de la rédaction du plus impertinent et du plus indispensable des journaux satiriques, la mort en ce 7 janvier tragique de douze personnes dont de talentueux et courageux caricaturistes, et l’assassinat, le lendemain et le surlendemain, de cinq personnes pour des motifs racistes, il y eut de par le monde une massive et surprenante flambée d’indignation.
On vit en tête d’un cortège de deux millions de personnes manifestant le 11 janvier dans les rues de Paris en faveur de la liberté d’expression, une ribambelle de personnalités politiques peu connues pour leur engagement en la matière.
Au premier rang de cette marée humaine, flanquant François Hollande de façon parfaitement symétrique, paradaient Mahmoud Abbas, président d’une Autorité Palestinienne fort atteinte par la corruption, et Benjamin Netanyahu, Premier ministre d’un état accusé de crimes de guerre commis encore récemment dans la bande de Gaza et déniant l’exercice des droits les plus élémentaires à la population de la Cisjordanie illégalement occupée.
Quelques autres zozos, dont David Cameron, étaient également présents au rendez-vous. Ce brave homme a manifesté son intention, si réélu, de faire dénoncer par le Royaume-Uni la Convention européenne des droits de l’homme.
Les meurtres à Copenhague les 14 et 15 février, commis à nouveau par un djihadiste, ne donnèrent pas lieu à la manifestation d’un ressentiment aussi vif dans l’opinion internationale alors que les motifs animant l’assassin étaient identiques à ceux des fanatiques français : l’intention de tuer le caricaturiste suédois Lars Vilks, qui avait représenté le Prophète d’une manière gentiment friponne, et l’antisémitisme.
Depuis lors, le silence s’est fait sur ces drames ; l’actualité qui nous est présentée consiste à nouveau en commentaires au ras des pâquerettes au sujet de défilés de mode, de matchs de foot, d’histoires de fesse et de la mésentente au sein du gouvernement fédéral. On est en droit d’affirmer que la situation s’est normalisée.
La liberté d’expression et le droit au blasphème, en dépit du fait qu’ils sont constamment bafoués, ne font plus l’objet de l’intérêt de la presse et du pouvoir politique.
Pourtant, il n’y a que sept semaines que Luc Boltanski écrivait dans Le Monde du 16 janvier que « nous n’avons jamais eu besoin autant qu’aujourd’hui» de cette «école de l’irrespect, […] c’est-à-dire de la vérité et du rêve, dont le flambeau fut, pendant quarante ans, tenu par Cavanna et les siens, [cette] école à vivre, et à vivre ensemble ».
Ce message n’a pas été entendu ou sa teneur insolemment rejetée.
L’Etat Islamique brûle vif un pilote abattu et décapite des innocents en série. Obama rend hommage au roi Abdullah d’Arabie Séoudite où les sévices corporels les plus atroces tiennent lieu de sanctions pénales prononcées pour divers délits, dont celui d’opinion.
Boris Nemstov vient d’être assassiné sous les murs du Kremlin pour avoir fait usage de son droit inaliénable de s’opposer ouvertement et de façon non violente au potentat en fonction.
Plus prosaïquement, plus sournoisement, et de façon constante, la liberté d’expression est brimée par d’autres pouvoirs en place.
Réagissons avant qu’il ne soit trop tard !
Il y eut une brève éclaircie suite aux événements en France et au Danemark ; à nous de faire revenir et d’entretenir la lumière. L’humanisme a ses obligations.
N’était-ce pas Montesquieu qui, dans « L’Esprit des Lois », affirmait que « la tyrannie d’un prince dans une oligarchie n’est pas aussi dangereuse que l’apathie d’un citoyen dans une démocratie. » ?
Certes, alors, … secouons-nous !
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