Bulletin Numéro 51 - Réflexion sur le débat
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RÉFLEXIONS SUR LE DÉBAT
LÉONARD – HAARSCHER DU 23 AVRIL 2013
Dans la soirée du 23 avril dernier Mgr. André Léonard, archevêque de Malines-Bruxelles, et Guy Haarscher, professeur honoraire à l’Université Libre de Bruxelles, devaient très pacifiquement croiser le fer au cours d’un débat ayant pour thème : « Blasphème : Offense ou droit de s’exprimer », organisé par la LABEL.
Le vénéré président de cette association, Patrice Dartevelle, assurerait, avec la compétence qu’on lui connaît, le rôle de modérateur.
La réunion, qui avait lieu à l’auditoire K du Campus Solbosch de l’ULB, semblait s’annoncer sous les meilleurs auspices : les orateurs étaient présents, plus deux cents personnes s’étaient déplacées et de très nombreux photographes de presse mitraillaient sans relâche le prélat qui, tout sourire, se prêtait à ce jeu.
Sans doute éprouvait-il quelque satisfaction, bien compréhensible, à l’intérêt médiatique dont il était l’objet, après les critiques souvent acerbes de la presse à son égard pour des propos tenus par lui et qui avaient été jugés homophobes.
Le président de séance avait entamé son introduction à la joute qui devait faire suite, et, c’est à ce moment-là que…
Quatre jeunes femmes dépoitraillées et dont le torse était couvert de slogans avaient dévalé en trombe les marches d’une des allées de l’auditoire et avaient sauté sur l’estrade, en voulant visiblement au haut dignitaire de l’Eglise.
L’une d’elles brandissait à bout de bras une banderole portant pour texte “STOP HOMOPHOBIA”. Les trois autres, munies chacune d’un flacon en matière plastique ayant la forme d’une Madone de Lourdes, avaient aspergé de son contenu le prêtre qui, résigné et très digne, toujours assis, avait pris une position de prière, les mains avec les doigts entrecroisés devant le bas du visage, la tête légèrement penchée vers l’avant et les yeux clos.
Dans les quelques secondes qui suivirent quatre personnes s’étaient interposées entre les sauvageonnes hurlant des slogans vindicatifs et leur victime immobile et prête à subir l’affront sans y opposer d’autre résistance qu’une maîtrise de soi qui forçait l’admiration.
Le malheureux prélat était trempé.
Autour de lui, l’agitation était extrême : quatre preux chevaliers masculins s’opposaient de façon diverse à autant de représentantes déchaînées du groupe Femen et voulaient mettre un terme immédiat à l’agression caractérisée de ces dernières.
Johannès Robyn, secrétaire de la LABEL, avait saisi à bras le corps une des jeunes femmes.
Mais, honni soit qui mal y pense : la seule intention dans son chef était de protéger un de nos orateurs invités.
Nous n’avions pas connaissance, à ce moment, de la nature du liquide projeté sur Mgr. Léonard.
Tout comme un autre monsieur qui était intervenu, l’auteur de ces lignes s’était borné à faire rempart de son corps aux assauts de la gent féminine.
Patrice Dartevelle, très conscient de sa responsabilité, était intervenu avec plus de détermination et avait gratifié la plus vindicative des jeunes femmes d’un coup de pied aux fesses qui, comme tous les autres moments de cette très brève empoignade, avait été fixé pour l’éternité par les paparazzi ravis, avant qu’ils ne s’esquivent.
Que fallait-il faire, une fois le calme revenu, sinon permettre à Mgr. Léonard de se sécher et reprendre la séance là où elle avait été interrompue ?
Le débat se tint donc, mais sans le moindre affrontement. Tous les intervenants, profondément choqués par la violence inqualifiable de l’incident dont ils avaient été témoins ainsi que par la collusion évidente entre des militantes assoiffées de publicité et des photographes de presse enchantés de pouvoir vendre à bon prix des photos d’un goût douteux, firent preuve de la plus grande modération dans leurs propos.
En dépit du talent oratoire de Guy Haarscher, l’échange entre les orateurs, par trop courtois et consistant surtout à trouver des points d’entente plutôt qu’à confronter des divergences d’opinion, perdit indubitablement de son intérêt. Mais après l’intervention musclée des Femen, une alternative était impensable pour des personnes conscientes de la responsabilité sociale qui leur incombe : il fallait calmer le jeu.
Même si la joute oratoire espérée n’avait pas répondu à l’attente, les deux protagonistes principaux avaient donné une belle et très convaincante leçon de tolérance.
Il est révoltant qu’aucun organe de presse n’en ait fait état. Plus de trois mois se sont écoulés.
Qu’ai-je retenu de ce 23 avril ?
Premièrement, qu’il ne convient de porter de jugement sur quiconque qu’en connaissance de cause : André Léonard, dont je n’étais pas un inconditionnel admirateur, m’a impressionné par sa force de caractère. La dignité de sa réaction a contribué à sauver une soirée que certaines avaient tenté de saboter.
Je sais ne pas être le seul à penser ainsi.
Deuxièmement, qu’il est intolérable qu’une rencontre ouverte à tous, dont le thème est la LIBERTE D’EXPRESSION, puisse être troublée par un groupuscule prétendant défendre ce même droit, entre autres dans le domaine de la sexualité. Choisissez mieux vos cibles à l’avenir, Mesdames, et étonnez-nous en engageant le dialogue avec vos opposants ; cela est, sans aucun doute plus difficile que de se dénuder la poitrine car cela suppose un effort de réflexion préalable et la tenue d’un discours bien argumenté.
En êtes-vous capables ?
Ensuite, que la presse belge a singulièrement manqué à son devoir d’information en cette occasion. Elle a, dans son ensemble, accordé la priorité à l’exploitation d’un sensationnel primaire plutôt qu’à la relation objective et nuancée d’événements lourds de signification.
Enfin, qu’un coup de pied au cul mérité et pas trop appuyé n’a jamais fait de tort au/à la propriétaire de l’arrière-train concerné.
A l’appui du caractère bénin de la percussion d’une certaine fesse rebondie, je préciserai que Patrice Dartevelle n’a toujours pas reçu d’offre d’emploi du Manchester United ni du Real de Madrid.
Le pauvre homme, qui depuis quelque temps dispose de plus de loisirs et a en sainte horreur l’oisiveté, en est fort contrit.
Jean-Jacques Amy