LABEL

Ligue pour l'Abolition des lois réprimant le Blasphème et le droit de s'Exprimer Librement
Menu
  • Accueil
  • Devenir membre
  • Activités
  • News
  • Communiqués de Presse
  • Bulletins
  • Revues
  • Rechercher
  • Liens

Bulletin Numero 47 - Milton aux sources de la liberté d’expression

PostDateIconTuesday, 15 January 2013 08:34 | PDF Print E-mail
Article Index
Bulletin Numero 47
Milton aux sources de la liberté d’expression
Conscience contre violence
Condamnation à mort pour blasphème d’Asia Bibi – lettre ouverte
All Pages
Page 2 of 4

 

Milton  aux  sources  de  la  liberté  d’expression


Faute de réédition ou de traduction nouvelle, il était très difficile de lire en français le texte fondateur de la liberté d’expression en Europe moderne, Areopagitica : Pour la liberté d’imprimer sans autorisation ni censure que le poète anglais John Milton publie en 1644 (*). 
Flammarion, en collaboration d’abord avec Le Monde, puis, en 2010-2011, avec Le Soir publie le pamphlet dans la série Les livres qui ont changé le monde, livrée en complément hebdomadaire du quotidien.
L’ouvrage est certes œuvre de circonstance mais il en est ainsi de bien des textes majeurs qui naissent des tumultes de l’histoire.
Dans un contexte politico-religieux violent, Milton prend la parole parce qu’en juin 1643, le Parlement vote une loi rétablissant la censure de la presse.  Milton appartient à une tendance puritaine de l’Eglise nationale épiscopale anglaise et il a l’intransigeance des minorités et du puritanisme.

C’est incontestablement un croyant et un protestant des plus vibrants.  Parfois, cela peut servir.
L’intérêt de l’argumentation de Milton quand il s’adresse aux parlementaires est multiple.
L’axe, à mes yeux, est la valeur intrinsèque de la liberté d’expression pour l’esprit humain : « toutes les opinions, y compris les erreurs, connues, lues et recensées, sont d’un grand service pour atteindre rapidement la plus haute vérité » (p. 87).
Sa conscience des erreurs bibliques est parfois confondante et les conclusions qu’il en tire étonnantes.  Ainsi à ceux qui argumentaient en redoutant la contagion de l’erreur, il va jusqu’à répondre que « dans ce cas, il faut bannir du monde tout savoir humain et toute controverse religieuse, y compris la Bible elle-même ; car celle-ci rapporte parfois crûment le blasphème … s’agissant d’autres grandes querelles, elle répond de façon douteuse et obscure … » (p. 90). 
Et coup de pied de l’âne final : « Pour les mêmes raisons, nous savons que la Bible elle-même a été inscrite au premier rang des livres interdits par les papistes » (p. 91).

La seule chose qui importe pour Milton, c’est la recherche de la Vérité : « notre foi et notre savoir profitent de l’exercice.  L’Ecriture compare la Vérité à une fontaine jaillissante ; si ses eaux ne s’épanchent pas en une perpétuelle progression, elles stagnent dans une mare boueuse de conformisme et de tradition » (p. 117).  Et plus belle apologie de l’esprit de recherche indépendante, le libre examen, disons le mot : « Si l’on croit une chose pour la seule raison que le pasteur l’affirme ou que l’assemblée le décide, sans rien savoir d’autre, quoiqu’on puisse croire vraiment, la vérité même qu’on professe devient une hérésie » (ibidem).  Difficile de mettre plus haut la liberté de conscience.

Plus loin encore : « La force de la Vérité … n’a besoin ni de ruses, ni de stratagèmes ni de censures pour remporter la victoire, ce sont là manœuvres et les défenses que l’erreur utilise contre elle » (p. 136).
Mais ne prenons pas non plus Milton pour un exalté quelque peu naïf.  Sa tolérance a ses limites : « Je ne parle pas de tolérer le papisme et la superstition manifeste » (p. 138).

Liberté  et raison


Une fois passée notre jubilation, il faut bien faire un constat essentiel.
Milton ne sépare pas la liberté de la raison.
Ses motivations sont évidemment théologiques ; le calviniste peu orthodoxe ne suit pas le dogme de la prédestination : « Dieu donne la liberté de choisir, car la raison n’est que choix » (p. 99).

Pour le fondateur qu’est Milton, la liberté d’expression même quand elle est erreur, a un référent, la Raison.  Voilà sur quoi on devrait méditer aujourd’hui, à une époque où l’on paraît croire que le vote populaire, le plus irrationnel soit-il, clôt le débat.  Il n’y a pas là liberté mais esclavage.  La démocratie implique un consensus sur le débat rationnel.
Ce qui corrompt celui-ci mine celle-là.

La seule chose qui me chagrine dans la nouvelle publication est son mode de distribution : vous ne trouverez pas le livre en librairie, c’est un monopole du Soir en Belgique.  Je l’avais d’abord commandé à la boutique du Monde qui a accepté ma commande puis s’est ravisée, sans doute parce qu’il fallait protéger la série du Soir, qui était programmée.
Piètre démonstration du sens de la liberté d’expression, même si je peux comprendre les nécessités économiques.

 


<< Prev - Next >>

 

Copyright © 2010
Tous droits réservés